Intervention de Farida Aarrass à la Maison des Parlementaires, le 28 mars 2013
Tout
d’abord, j’aimerais vous remercier toutes et tous pour votre
présence ici.
Je
remercie également Luk Vervaet pour l’initiative de cette
conférence, Zoé Génot pour la mise à notre disposition de la
salle au sein de parlement fédéral, et tous ceux qui ont veillé à
sa bonne organisation.
Que
vous ayez répondu à cette invitation, signifie pour nous que vous
n’êtes pas indifférents à toutes les souffrances vécues par nos
proches en détention arbitraire victimes d’injustices et de
terribles atrocités.
Voici
déjà 5 ans que la vie de mon frère a totalement basculé !
Voici 5 ans qu’il endure les pires horreurs dans un déni total de
justice !
Ali
est passé du bonheur le plus complet, puisqu’il venait d’avoir
une petite fille après une longue attente de plusieurs années, au
pire cauchemar qu’un être humain puisse sans doute imaginer, en
l’occurrence l’enfermement. Amina, cet enfant qu’il souhaitait
tant, parait comme un don du ciel car c’est à travers elle
aujourd’hui qu’il trouve la motivation de l’espoir et la
motivation de la vie.
Ali
confie également combien il puise sa force au travers du travail
acharné de ses avocats, du comité qui s’est crée autour de son
affaire, le comité FREEALI, composée de centaines de personnes avec
à sa tête notre cher Luk Vervaet, ainsi que sa famille qui lui a
fait la promesse de ne jamais l’abandonner ! Cela l’encourage
à mener lui-même un combat pour ne pas sombrer dans le désespoir
et le renoncement. « Comment pourrais-je abandonner alors que
tous ces gens se mobilisent pour moi », dit-il.
Cela
fait des années que nous luttons contre un adversaire monstrueux.
Cet adversaire sans visage se nomme INJUSTICE ! La lutte s’est
avérée très dure, difficile et peut-être encore longue. Pourtant
nous disposons des moyens qui nous permettraient d’avoir gain de
cause dans la mesure où Ali est avant tout un ressortissant belge.
C’est ici en effet qu’il a passé la majeure partie de son
existence et non pas au Maroc. Et, à ce titre, il a juste sollicité
la protection et la sécurité que la Belgique prétend garantir à
ses citoyens. Cette demande est restée sans réponse jusqu’à ce
jour.
Malgré
tous les efforts fournis, on mesure notre impuissance face à
l’autorité, face à ceux qui prétendent aux responsabilités mais
qui se sont lâchement détournés. Tels des Ponce Pilate, ils se
sont lavés les mains et ont livré Ali à ses tortionnaires. Nos
appels à l’aide et notre souffrance ont été ignorés. Nous avons
été confrontés au mépris et à l’indifférence d’un état de
droit vis-à-vis de son citoyen alors que l’on s’attendait à sa
bienveillance.
Nos
proches condamnés injustement n’ont eu droit à aucun égard. Ils
ont eu à subir la parodie de justice à laquelle s’est livré le
Maroc sous le regard complice des autorités belges. Aujourd’hui,
mon frère et d’autres innocents payent le prix de la duplicité et
des accords malsains entre ces deux états.
Malgré
cela, Ali adresse un message aux autorités belges, ce message
enregistré en audio est disponible sur le net. Il appelle toujours à
la recherche de la vérité sur son affaire, c’est la seule chose
qui compte à ses yeux. Il sait qu’une justice digne de ce nom ne
conclurait qu’à son innocence. Dans ce message poignant, il
raconte également toutes les souffrances endurées mais qu’il ne
garde toutefois aucune rancœur, selon son propre terme, envers la
Belgique. La chose primordiale pour lui étant de retrouver sa
famille.
Comme
je l’ai dit, Ali garde espoir, il ne renonce pas, il ne plie pas.
Il mène son propre combat mais de l’intérieur, selon ses moyens
et capacités. Malgré les risques encourus, il a notamment dénoncé
la torture qui lui a été infligée en déposant une plainte. Il
n’ignorait pas bien entendu les conséquences d’une telle
démarche mais il a affronté sa peur. Il a dénoncé cette pratique
méprisante, indigne, comme un homme libre alors qu’il se trouve
entre les mains de ses bourreaux. Il paye aujourd’hui le prix fort
de cette action par des traitements plus indignes les uns que les
autres.
Cela
fait 5 ans, cinq années d’emprisonnement pour un homme sur lequel
se sont acharnées les justices espagnoles et marocaines, sans que ni
l’une ni l’autre ne produise la moindre preuve qui puisse
justifier ces cinq années d’enfermement. Et moins encore la lourde
peine prononcée par le Maroc. Pourtant Ali est resté l’homme
qu’il a toujours été: fort, honnête, fier et digne.
Pardonnez-moi de dire ici combien je suis fière de lui et combien
je suis heureuse, malgré ma douleur, que l’enfermement ne l’ait
pas aigri, que la prison n’ait pas fait de lui un homme
méconnaissable pour sa famille et ses proches.
Enfin,
je profite de l’opportunité qui m’est donnée ici pour
m’adresser une fois de plus aux politiques, à ceux qui ne
souhaitent peut-être pas m’écouter mais qui devront m’entendre.
N’est-il
pas temps de réagir ?
L’indifférence
n’a-t-elle pas assez duré !
Nous
sommes éreintés, épuisés et usés par la douleur qui ne nous
quitte plus !
Nous,
nous arriverons à tenir encore, j’en suis sure, mais qu’en est
il de nos parents ?
Mon
père ne cesse de dire qu’il craint ne plus être là lorsque Ali
recouvrera la liberté !
Il
est envahi par une tristesse qui ne s’estompe plus, il a l’air
tellement amer et si sombre !
Toutes
ces mamans également qui pleurent l’absence de leur fils, toutes
ces épouses qui attendent impatiemment le retour de leur époux.
Tous ces enfants qui savent ou pas la vérité sur l’enfermement de
leur père mais qui sont néanmoins privé d’un amour et d’une
présence tellement vitale pour leur l’équilibre affectif et
psychologique.
A
tous les responsables politiques je lance un appel à l’aide !
Une demande urgente d’intervenir et qu’ils prennent enfin leurs
responsabilités à l’égard de ces citoyens belges qu’ils
ignorent sous prétexte de leur bi nationalité.
Je
continuerai sans relâche à dénoncer l’indifférence voire la
négligence de l’état belge. Je continuerai à dénoncer l’abandon
de nos proches et le silence sur leurs extraditions vers un pays qui
pratique la torture. Ces extraditions ayant été pratiquées dans le
mépris flagrant des conventions internationales empêchant justement
tout transfert vers des pays qui pratiquent la torture. Je considère
par conséquent qu’il y a complicité de l’Espagne et de la
Belgique sur tous les actes de barbaries infligés à mon frère par
l’état marocain.
Je
considère que la Belgique s’est rendue coupable en n’apportant
aucune assistance à Ali qui se trouvait en danger dès son
extradition vers le Maroc en décembre 2010. Comme je l’ai dit, il
continue aujourd’hui à subir des mauvais traitements et chaque
jour est un calvaire.
La
Belgique est autant coupable que la main du tortionnaire marocain
parce qu’elle a pratiqué et continue à pratiquer la loi du
silence. Ce silence de plomb a anéanti non seulement des hommes
innocents mais également leurs familles. Des voix s’élèvent de
plus en plus pour dénoncer ce silence comme un véritable racisme
d’état à l’égard des bis nationaux. J’aimerais tellement ne
pas y croire mais c’est l’amer constat que l’on peut faire.
En
tous les cas, je suis pour qu’une commission d’enquête fasse la
lumière sur le rôle joué par l’état belge dans l’extradition
d’Ali vers le Maroc ou du moins sur les véritables raisons du
mutisme qui entoure l’affaire de mon frère et celle des autres
détenus belges au Maroc.
Cette
commission s’appuierait par exemple sur le rapport de Monsieur Juan
Mendez, comme vous le savez, rapporteur spécial de l’ONU, lequel a
rédigé un rapport sur la torture au Maroc. Ce rapport a été rendu
public le 13 janvier 2013 à Genève et il confirme sans détours que
le Maroc continue à pratiquer la torture et les mauvais traitements
de manière habituelle.
Vous
savez également peut-être que Monsieur Mendez a rendu visite à mon
frère et a pu mesurer l’ampleur de ses effroyables conditions de
détention. Il a pu également constater les traces de tortures
toujours visibles sur le corps d’Ali.
En
conclusion, comme Ali, je suis prête à pardonner à condition que
la lumière soit faite et que justice soit rendue non seulement pour
mon frère mais aussi pour tous les citoyens belges détenus
injustement au Maroc. Je demande leur libération pure et simple au
nom de la justice, au nom des droits de l’homme et au nom de toutes
les familles concernées.
Enfin,
je n’ai pas de mots pour dire encore toute ma gratitude à Luk
Vervaet, aux avocats d’Ali, Me Dounia Alamat, Me Christophe
Marchand, Me Cohen ainsi qu’à tout le comité de soutien et à
tous les anonymes qui portent la cause d’Ali et des autres détenus.
.
Je
vous remercie infiniment pour tout ce que vous faîtes.
Merci.
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