Exclusif ! Texte et enregistrement audio du témoignage du Belgo-Marocain Hicham Bouhali Zriouil de la prison de Kénitra
"J'adresse ce cri d'alerte à toutes les organisations des droits
de l’homme, à l'intérieur et même à l'extérieur du Maroc, qu'elles soient
gouvernementales ou non. Je l'adresse aussi à la société civile marocaine. Et
bien entendu j'adresse aussi ce message de s.o.s et d’alerte que je lance de la
prison centrale de Kenitra, à la BCIG, et aussi à la DST, en la personne de Monsieur
Abdellatif Hamouchi, et Monsieur
Abdelhak Al Khayam.
Nul doute que la chose la plus importante pour tout être humain
sont sa fierté, sa dignité, son amour propre et surtout le respect de ses valeurs,
de ses idéaux, quel que soient ses penchants politiques, ses convictions
religieuses, sa classe sociale, sa couleur ou même son genre, ce dernier, c'est
à dire l'être humain, serait prés, comme tout le monde le sait, à perdre ce
qu'il possède de plus cher pour préserver, protéger et défendre ces dite
valeurs.
Je tiens tout d'abord à me présenter, je m'appelle Hicham
Bouhali Zriouil, Je suis incarcéré depuis quatre ans dans les prisons
marocaines et actuellement à la prison centrale de Kenitra. J'ai été jugé
injustement et d’une manière arbitraire pour une affaire de terrorisme à 20 ans
de prison ferme par la justice marocaine bien sûr, pour un soit disant meurtre
que je n'ai jamais commis et pour lequel ils n'ont aucune preuve justifiant
cette condamnation. Bien sûr il y a d'autres chefs d'inculpation qui sont
secondaire mais le principale, comme je viens de le dire, c'est meurtre.
Ce qu'il faut savoir c'est qu'au Maroc, les juges, surtout les
juges anti terroristes, n'ont pas besoin de preuves. Ils n'ont besoin d'aucunes
preuves pour les affaires de terrorisme et ça c'est connu. Tout est prêt, tout
est arrangé à l'avance. Il suffit juste de lire le verdict, et ça bien sûr, nos
juges savent bien le faire. Manque de preuves, je suis donc comme tout le monde
le sait innocent de l’ensemble des inculpations jusqu'à preuve du contraire. Et
bien non! Et mille fois non au Maroc. Les lois anti terroristes au Maroc
stipulent que je suis coupable, jusqu'à preuve du contraire. Ils vont même plus
loin que cela; ils me jugent sur mes intentions et peut être sur des rêves que
j'ai eu un jour ou l'autre. Ma foi, que faire des preuves? Que faire des
preuves dans notre cher pays en voie de développement, modèle international de
sécurité et de stabilité? Que faire des preuves dans notre cher pays, modèle
international de lutte antiterroriste et lutte anti immigration clandestine?
Que faire des preuves pour ma petite personne dans notre cher pays c’est-à-dire
le Maroc, modèle dans le développement humain, économique, touristique,
démocratique, et j'en passe? Et surtout dans notre cher pays modèle dans la
lutte contre la torture et prônant l'application à la lettre des valeurs
universelles et des traités des droits de l’homme. Notre cher pays qui
prône un islam modéré, cet islam chéri et aimé par toutes les puissances
mondiales, en l'occurrence la France, l’Angleterre, et même les Etats Unis.
Je dis aussi, on s'en fout des preuves, lorsque la partie adverse,
c’est-à-dire à ma propre personne le pentagone, le FBI et les autres puissances
mondiales. A ce moment-là je pense que tout le monde a bien compris. Eh
bien oui c'est un jugement purement politique, instrumentalisé, bien utilisé à
bon escient pour le terroriste et tout. C'est un jugement qui a
été conçu, et je le dit haut et fort, dans les coulisses de l'ambassade
américaine, avec le gouvernement belge, peut-être même l’état français, et une
petite touche des services secret marocain. Et le tour est joué! 20 ans de prison.
Et on m'a dit que je dois m'estimer heureux car je mérite la peine capitale,
selon le pseudo juge qui m'a jugé... qui a tous simplement lu le verdict !!!
Je reste pertinemment convaincu, depuis bien longtemps, qu'au Maroc,
je ne fut qu'un numéro; un numéro de carte nationale ou un numéro de
détention. Et d'ailleurs veuillez m'en excuser chers marocains et marocaines,
vous l'êtes tous!
Pourquoi je dis ça? Franchement, moi j'ai la forte impression et j’en suis
intimement convaincu que j'ai été vendu par ma propre patrie, En échange de
quelques holdings ici et là, projet et autres investissements.
Et surtout j'ai été vendu par le makhzen qui instrumentalise les
dossiers terroristes et l'utilise à bon escient pour obtenir gain de cause
auprès des puissances mondiales, auprès des différents lobbies sionistes
dissimulés dans les coulisses des nations unis pour les dossiers infini sable du
Sahara et le conflit avec le Polisario.
Pendant ces quatre années, et surtout après mon jugement
définitif, j'ai reçu des visites inattendues, et c'est avec cela que je vais
appuyer ce que j'apporte comme preuve comme quoi on instrumentalise les dossiers
terroristes ici au Maroc et on prend un modèle islamique et un modèle
lutte anti-terroriste, je vais l'appuyer
par ce qui est arrivé ici, à moi-même, comme j'ai dit, après mon jugement
définitif, j'ai reçu des visites inattendues dans différentes prisons.
Alors la première visite, c'était au début du mois de juin 2012.
On m'appelle, trois agents du FBI accompagnés d'une juge, d'un juge
d'instruction du District de New York, c’est comme ça qu’il s’est présenté et
deux à trois agents des services marocains.
Et
on me repose les mêmes questions, des photos, et ci et ça. Je les envoie
bouler. Je reçois une seconde visite après mon transfert de Tifelt vers Salé, à
ce moment-là, on me dit, "oui on veut te voir", je reçois la visite
de deux agents fédéraux français, deux agents de la DST française. Après ça, je
reçois aussi une troisième visite de deux agents fédéraux belges accompagnés
d'une juge d'instruction du Palais de justice de Bruxelles, et ça c'était plus
ou moins, une semaine après les français. Toujours bien sûr, escortés par nos
agents des services secrets de la BIGI marocaine. Quatrième visite, c'était en
2014. Alors que je passais mes examens à Fès, pour une licence en Sharia et à
mon grand étonnement, je reçois encore une visite du FBI. C'était plus ou
moins, comme je le disais au mois d'avril 2014.
Et
la dernière, fut une convocation au bureau flambant neuf du BCIJ (Bureau
Central d'Investigation Judiciaire). Bien sûr la question qui se pose
maintenant, c'est : que me veut ce beau monde ? Et pourquoi ces visites et ces
investigations alors que j'ai pris mon jugement définitif et que je purge ma
peine. Et bien c'est vraiment simple : ils me font du chantage, quand je dis
"ils m’ont dit", je parle des services secrets marocains et même des
services secrets belges.
Alors
ils m'ont dit : "on sait que t'as trop pris, tu ne mérites pas ça, on ne
pensait pas que ça allait prendre cette envergure. On va essayer d'arranger le
tir, On est prêt à arranger ça, revérifier ta peine...". On m'a dit
tellement de choses ! On m'a même dit que je bénéficierai d'une grâce royale...
à condition, bien sûr, on me dit tout ça à condition que je coopère, à condition
que je les aide, etc. On revient à du
chantage tout simplement !
Je
perçois aussi clairement la fine touche des services secrets internationaux - à
l'intérieur de la prison, par rapport au traitement discriminatoire que je
reçois dans ces prisons, discriminatoire et anticonstitutionnel ! Visant à me
déstabiliser, comme je disais, psychologiquement, pour que je vende la mèche,
et que je me jette dans leurs bras ou que je baisse les bras et que je leur
dise « oui je suis prêt à coopérer, qu'est-ce que vous voulez? » Je
me suis un peu entêté, mais je ne sais pas ce qu’ils veulent encore.
Par
ailleurs, la direction des prisons, qu'on appelle la DGAPR, c'est-à-dire la
direction de toutes les prisons au Maroc, en la personne de son directeur
général qui est Monsieur Mohamed Saleh Tamek, et des différents directeurs que
j'ai côtoyés à Kenitra et dans d'autres prisons. Surtout celui-là
dernièrement, je perçois clairement qu'ils appliquent tous, ainsi que les
gardiens, à la lettre, les différentes instructions de leurs supérieurs. Je
dirais même plus : qu'ils en profitent pleinement pour ajouter leur touche
personnelle ! Et bien sûr, lorsque que je me plains, de façon très pacifique,
chacun jette la balle vers l'autre. Lorsque je pose les questions : "que
me voulez-vous? Foutez-moi la paix !" à un haut directeur, le directeur
lance la balle vers Monsieur Tamek .Monsieur Tamek quand mes parents lui
rendent visite, il lance la balle vers les supérieurs et les hautes instances,
c'est comme ça qu'ils appellent ça.
Je ne sais même qui sont ces hautes instances.
Lorsque je me suis rendu chez les services secrets dernièrement, c'est BCIJ, on
m'a dit "ah non, ce n'est pas nous ! On ne vous veut que du bien" et
ainsi de suite. Personne ne prend ses responsabilités !
Alors,
le moment est venu que je vous cite mes revendications, mes droits qu'on bafoue
tous les jours dans les prisons marocaines, pour tout simplement, me mettre de la pression et pour que je
coopère.
Je
veux tout d'abord, que toutes les organisations qui me liront, les
organisations des droits de l'homme, sachent que je suis isolé, depuis presque
deux ans, mais de façon catégorique et discriminatoire, et anticonstitutionnel.
Dans ces quartiers où il y a les détenus politico-islamiques, c'est-à-dire ceux
appelés les détenus de la Salafiya, ici au Maroc. Et on me jette au milieu des
détenus de droits communs, je n’ai même pas le droit de leur parler, je n’ai
pas le droit de m'asseoir avec eux, je n’ai pas le droit même de les regarder.
Alors je ne sais pas ce qu'on me veut, on me met toujours à l'écart. Tout
simplement, je ne dois pas les côtoyer, je ne dois pas m'asseoir avec eux, je
ne dois pas parler avec eux, je me demande pourquoi alors que eux, ils sont
ensemble !
Ils
sont 70 ou 80 personnes détenues dans un quartier tous seuls, alors ce que je
demande, c'est qu'on me mette dans un quartier où je dois être, pas dans un
quartier où on fume du shit, où on boit, où il y a de l'homosexualité tout le
monde sait comment cela se passe dans les prisons au Maroc !
Sachez aussi que depuis
quatre ans, et ça c'est important! car ça
ne concerne pas que moi seulement, c’est le cas de tout le monde, que ce soit les détenus de
droit commun ou les détenus politico-islamique, ce qu'on appelle les détenus
de la Salafiya jihadiya. On à un gros problème c'est qu'on nous séquestre,
nous et nos épouses. Et il faut savoir que tout le monde souffre en
silence. Privé de notre droit à nous et à nos épouses, d'avoir un rapport
sexuel. Privé de notre droit d'avoir une progéniture. Privé, et comme tout le
monde le sait, de toute stabilité physique et mentale. Ça dure depuis plus de
cinq ans maintenant. Pour moi ça fait quatre ans mais pour d'autre ça fait
même cinq ans.
Même si, disons qu’on est des détenus, qu’on a commis un crime et qu’on
est en prison, mais qu’est-ce qu’ils veulent à nos épouses ? N’ont elles
pas le droit d’avoir un rapport sexuel normal avec leurs époux aussi ? Où
sont donc passées les associations défendant les causes de la femme
marocaine ? Où sont donc passées les gigantesques pancartes mensongères
brandies ici et là par notre état ? Respect des droits de l’homme, respect
des valeurs universelles et je ne sais quoi encore. Où est l’approche humaniste
du Maroc dans les dossiers de terrorisme ? Où est le modèle marocain dans
le développement humain ? Et ça c’est très important. Et si le Maroc prône
être un pays démocratique libéral progressiste moderniste, et bien au moins
qu’il prenne modèle et exemple sur les pays européens. Et je ne parle pas de la
Scandinavie, je parle juste de la Belgique et de la France, tout le monde a
droit à la visite conjugale.
Alors je me demande si on cherche à nous séquestrer, je ne sais pas ce
qu’ils cherchent exactement. Mais ce qu’il faut savoir c’est que c’est fait de
façon méthodique. Je me demande aussi où est le respect des lois
internationales, des traités des droits de l’homme par lesquels on nous gonfle
la tête dans les médias marocains midi et soir …. Ce point est aussi très
important.
Il faut aussi que vous sachiez que je n’ai vu le dentiste que 5 fois sur
ces quatre ans, donc plus ou moins une fois par an. Tout le monde sait aussi
que j’ai un handicap au pied, qui me fait souffrir dans le bas du dos et dans
les genoux, et malgré mes cris et mes différents appels pour que je reçoive des
soins à l’extérieur des prisons, eh bien on refuse sauf si on m’humilie et
qu’on me met des menottes derrière le dos, et une blouse, un torchon même et
sans baskets, escorté par une dizaine de gardes.
Donc on cherche à nous humilier à l’extérieur des prisons, pour que tout
le monde nous voie et qu’on soit exposé à la vue de tous. C’est ça ou tu restes
sans soin. Je vous signale aussi que depuis plus ou moins six mois, nous
n’avons reçu aucune douche chaude, on y
a pas droit, sous prétexte qu’il y a une panne de plomberie. Eh bien elle dure
cette panne de plomberie parce que ça fait plus ou moins cinq à six mois qu’elle
est là et qu’on a droit qu’à des douches froides. Sans oublier que je suis
enfermé aussi dans une cellule, un trou à rats de plus ou moins 2m² sans
aération, hyper humide, que je vous invite d’ailleurs à visiter lorsque l’occasion
se présentera à vous. Lorsque le soi-disant, le pseudo directeur Abbas qu’on
nous a apporté, est venu me rendre visite une trentaine de second et qu’ il a
vu la cellule ; je me suis plaint en disant que ce n’était pas une
cellule, qu’il fallait une aération, que c’est humide , il a jugé que ma
cellule respectait les normes et voilà, c’est tout, il est parti.
Bien sûr je n’ai droit qu’à une misérable heure sur 24h d’oxygène, de
rayon de soleil, et peut-être de quelques gouttelettes de pluie si j’ai de la
chance. Alors que les autres prisonniers ont droit à 2h30 le matin et 2h30
l’après-midi. Voilà y a tellement de choses mais je pense qu’avec ça,c’est
assez. Tout ce que je raconte ici, tout ce que je vous ai dit, je suis prêt à
le prouver concrètement si vous venez me rendre visite, n’importe !
J’attends d’ailleurs depuis très longtemps des visites de certaines
associations et organisations mais personne n’est venu me voir.
Je pense que quand j’envoie mes lettres, la direction les déchire ou les
jette. Ils ne les reçoivent jamais. J’ai envoyé à plusieurs organisations des
droits de l’homme à l’intérieur du Maroc et à l’extérieur, mais personne ne me
répond. Donc moi je pense qu’ils n’envoient pas mes lettres. Et ça aussi c’est
contre la constitution, ils doivent envoyer nos lettres, à qui que ce soit.
J’ai le droit de m’adresser à qui je veux. Mais eux ils les jettent, ils ne les
envoient pas… Et lorsqu’on demande les
numéros d’envoi, ils nous disent vous les recevrez aprés. Puis on ne
voit rien du tout. Après tout ce que je suis en train de raconter ici, je vous
invite à venir me rendre visite. Je vous ferai un petit tour dans la prison,
vous verrez pire que ce que j’ai dit, pire. A Kenitra bien sûr ; dans
d’autres prisons c’est plus ou moins la même chose, si ce n’est pas pire. Je
tiens aussi à signaler que la direction des prisons et de la prison de Kenitra,
ils vont bien sûr répondre car ils ont réponse à tout, qu’ils démentent ce que
je raconte ici.
Ne vous étonnez pas aussi s’ils m’accusent de mensonge, de diffamation,
qu’ils vont porter plainte contre moi, ça
ne me fait pas peur. Ils n’ont qu’à porter plainte, j’ai des preuves.
Vous pouvez venir voir, les preuves sont frappantes, tout est clair. Voilà il
ne faut pas vous étonner. Venez juste me rendre visite et je vous ferai une
visite ici dans la prison si on me laisse faire. Voilà, tout ce que je demande
c’est de venir me rendre visite, prendre en considération ce que j’ai dit.
Voilà, merci à tous. J’aurai bien aimé faire ce cri, ce SOS, en vidéo car je
n’ai rien à perdre, j’ai peur de personne, j’ai dit mon nom et on sait où je
suis, mais je n’ai pas trouvé de téléphone pour ça. Donc je me suis dit que
j’allais enregistrer, et puis par la voix c’est mieux que rien. Parce que mes
écrits je pense que personne ne les lit. Donc voilà, à tous les responsables de
ce pays, ou à l’extérieur du Maroc, en Belgique, aux Etats-Unis, n’importe où, à
toutes les associations des droits de l’homme, et aussi à la société civile
marocaine : voilà ça c’est mon cas, un cas parmi 100, pour ne pas dire des
centaines. Et merci de m’avoir écouté. Au revoir."
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