Affaire Argana et Belliraj : toujours le même scénario
Attentat d’Argana : Même sort que l’affaire Belliraj ?
- Publié le dimanche 1 septembre 2013 14:57
- Écrit par Lakome
Adil Othmani, condamné à mort
pour l’attentat d’Argana annonce une grève de la faim quelques jours
avant la grâce royale accordée au pédophile DanielGalvan. Par la suite,
il prétend avoir subi des menaces de la part d’agents du renseignement
qui lui ordonnent de cesser de clamer son innocence. Mais au 34ème jour de sa grève de la faim, il reçoit une délégation judiciaire qui lui promet de reconsidérer son dossier.
Selon un communiqué de la
Commission commune pour la défense des détenus islamistes (CCDDI) et
dont Lakome détient une copie, Adil Othmani, principal accusé dans
l’attentat d’Argana déclare avoir suspendu sa grève de la faim qui a
duré 34 jours, après avoir reçu "les promesses d’une délégation
judiciaire qui lui a rendu visite à la prison locale de Safi pour la
réouverture d’une enquête sur son dossier ". Dans ce communiqué, Adil
Othmani affirme "qu’un membre de cette délégation a fait référence à
l’affaire Belliraj dans laquelle plusieurs condamnés à de lourdes
peines, dont des personnalités politiques avaient été graciés".
La référence à l’affaire Belliraj
n’est pas anodine. Celle ci représente une tâche noire sur la réputation
des enquêteurs marocains. Lors du démantèlement de ce qui était
présenté à l’époque comme un réseau de terroristes composé de malfrats
et de dirigeants politiques islamistes, les autorités marocaines avaient
paru sûres de leur fait. Sauf qu’une grande partie des condamnés dans
cette affaire avaient été graciée au lendemain de l’avènement du
printemps arabe et de sa version marocaine, le mouvement du 20 février.
Cette grâce est intervenue aussi au lendemain de la publication d’un
câble de l’ambassade des Etats-Unis indiquant clairement les doutes des
partenaires américains sur le sérieux et la probité du travail des
services marocains.
Quelques semaines auparavant,
Othmani lançait un cri de détresse depuis sa cellule accusant des
éléments du renseignement marocain de le menacer pour qu’il cesse de
publier ses communiqués à travers la presse. Othmani avait annoncé sa
grève de la faim quelques jours avant que n’éclate le scandale du
DanielGate où il explique que "des sommes d’argent" lui avait
été "proposées pour reconnaître sa responsabilité dans l’attentat
d’Argana", chose qu’il dit avoir refusé, selon un communiqué dont Lakome
détient une copie.
L’attentat d’Argana soulève un
autre élément troublant puisqu’il s’est produit le 28 avril 2011,
c'est-à-dire deux mois après le déclenchement du "printemps
marocain" insufflé par le mouvement du 20 février. Al Qaida au maghreb
islamique (AQMI) avait démenti dans un communiqué toute implication dans cet attentat et avait même laissé entendre qu’une telle opération allait "à l’encontre des intérêts de la conjoncture et des peuples de la région !",
ceci au moment où les autorités marocaines, à travers les médias
officiels annonçaient des accointances entre les auteurs de l’attentat
et l’organisation djihadiste du Sahel.
Ces éléments suscitent des
interrogations quant à la culpabilité de l’accusé. Comment expliquer
qu’une délégation officielle soit venue promettre à Othmani "une
nouvelle enquête indépendante" sur son dossier si des doutes sérieux ne
pesaient pas sur sa condamnation ? Parallèlement, comment expliquer la
dualité du comportement de l’administration marocaine face à cette
affaire: d’une part, une attitude menaçante des services de sécurité qui
exhortent l’intéressé de cesser de clamer son innocence et d’autre
part, une justice qui promet de reconsidérer l’affaire ?
Contacté par Lakome, Hassan Batar,
coordinateur du collectif de soutien aux accusés dans l’affaire Argana
et dont le frère Abdessamad a été condamné à 4 ans en première instance,
puis à 10 en appel, nous affirme "qu’aucune preuve matérielle n’a été
présentée dans les différentes phrases du procès. Pas même un clou ! Sur
les 54 noms de témoins figurant sur les procès verbaux de l’enquête, 15
seulement ont comparu devant le juge d’instruction et aucun devant le
tribunal. La seule personne ayant témoigné devant la police attestant
que Othmani lui avait acheté une perruque n’a pas été convoquée au
procès comme le veut la procédure. Nous pensons que nos proches ont été
victimes d’un procès inéquitable pour satisfaire les familles des 14
victimes françaises. Je rappelle que le ministre français des Affaires
étrangères de l’époque était présent au Maroc le jour du verdict".
Le cas Othmani mérite attention
car il se distingue des autres cas d’islamistes condamnés à mort dans
des affaires de terrorisme. En effet, tous les islamistes ayant commis
des meurtres ou des assassinats se vantent de leurs actes devant les
tribunaux considérant avoir agi "par devoir religieux", chose qui dans
ces milieux est interprétée comme un acte de bravoure et de témérité.
C’est le cas notamment pour Youssef Fikri et ses comparses, condamnés
pour plusieurs meurtres à motivation religieuse en 2002, et qui
n’hésitent pas devant la Cour de déclarer qu’ils récidiveraient si
c’était à refaire. Othmani ne semble pas faire un cas d’école puisque,
non seulement les actes pour lesquels il a été condamné demandent une
grande conviction de revendication mais l’intéressé rejette en bloc
toutes les accusations qui pèsent sur lui et cherche à clamer son
innocence par tous les moyens y compris en intentant à sa vie par de
longues grèves de la faim.
Rappelons que l’attentat d’Argana
perpétré à l’été 2011 dans un café de la place Jamaa El Fna dans la
ville ocre avait fait 17 morts et 20 blessés de nationalités
différentes. Othmani a plaidé non coupable durant toute les phases du
procès ce qui n’a pas empêché la Cour de le condamner à la peine
capitale.
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