Intervention de Luk Vervaet à la conférence de presse de l'AMDH-Belgique (Association marocaine des droits humains) le 16 février 2012.
Chers amis, chers camarades,
Aujourd'hui, je me sens un peu comme à
Rabat, dans les locaux de l'AMDH au Maroc. Où dans le passé nous
avons tenu deux conférences de presse sur l'affaire Ali Aarrass,
chaque fois sous la direction de sa présidente Khadija Riadi.
Ceci est une première à Bruxelles.
Je
m'en félicite et je tiens à remercier l'AMDH au nom du Comité
des familles des détenus européens au Maroc.
Nous menons depuis 4 ans une campagne
pour la libération d'Ali Aarrass.
D'autres familles aussi menaient un
combat pour leur proche, détenu au Maroc. Petit à petit ces
familles se sont retrouvées dans un combat commun.
On a d'abord été rejoint par une
famille en Flandre, la famille Belliraj. Et depuis quelques mois,
nous menons une campagne ensemble avec les familles Bekhti, Bouhali
Zriouil, R'ha, Zemmouri, Johri, Ameloot...
Les prisonniers belges au Maroc :
une affaire d'état.
1. Nous nous sommes inspirés de
mouvement des « femmes en noir » en Argentine, qui
cherchaient leurs enfants disparus sous la dictature. Et du mouvement
autour des enfants disparus en Belgique, abandonnés par la justice
et la police. Nous avons décidé de marquer notre présence pour nos
proches dans les prisons marocaines en nous rassemblant chaque
premier dimanche du mois. Ce sera un signe pour les détenus qu'on ne
les abandonne pas, qu'on ne les oublie pas, qu'on veille sur eux. Ce
sera un signe pour les autorités belges et marocaines, qu'on ne
lâchera pas notre combat. Ce sont les familles qui seront à la base
de chaque action. C'est le peuple qui parle à travers ces familles.
Les associations et partis sont les bienvenus pour soutenir leur
action.
2. Tous les cas de ces détenus sont
différents. Mais nous avons compris que c'était faux de nous
concentrer sur les différences. C'est ça qui nous rend impuissant.
Nous avons compris qu'il fallait nous unir autour des points
communs. D'abord, qu'il s'agit de détenus qui sont belges ou qui ont
une famille belge. Que dans beaucoup de cas ces détenus ont été
enlevés, kidnappés ou extradés. Qu'il y a parmi eux de nombreux
cas de torture, victimes de procès inéquitables, de maltraitance,
et, surtout d'un abandon total par la Belgique. Lisez les témoignages
irréfutables d'Ali Aarrass, d'Achmed Zemmouri, d'Abdelatif Bekhti,
de Mohamed R'ha, d'Abdelkader Belliraj, de Mohamed Johri et
d'autres.
3. Ce n'est pas que nous voulons un
traitement particulier ou exclusif pour les européens détenus au
Maroc et que la situation dramatique de l'ensemble des prisonniers au
Maroc nous laisse indifférent. C'est l'inverse : en défendant
les droits bafoués des détenus européens au Maroc et en exigeant
une intervention des pays européens, nous sommes convaincus que nous
contribuons au changement pour l'ensemble de la situation infernale
carcérale au Maroc.
Oui, nous sommes convaincus que la
question de la libération des prisonniers est une question clé dans
le changement au Maroc.
Comme ce fût le cas en Afrique Du Sud
avec Mandela. Comme c'est le cas aujourd'hui en Palestine, où les
prisonniers comme Samer Issawi mettent la question de la Palestine à
l'agenda international. Comme c'était le cas dans les révolutions
qui ont renversé les systèmes tortionnaires de Ben Ali et de
Mubarak, qui étaient soutenus par l'Occident.
La question des prisonniers
belgo-marocains au Maroc est aussi une question clé pour la
Belgique.
Par l'abandon de ces citoyens
belgo-marocains, la Belgique nous prouve dans les faits qu'il y a une
discrimination claire et un racisme d'état vis-à-vis de sa
population d'origine marocaine. Elle nous montre qu'il y a deux
catégories de citoyens en Belgique. Il y a apparemment des Belges à
qui on apporte secours et pour qui on intervient et des
Belges-entre-guillemets pour lesquels on ne fait rien. Même pas
quand ils sont dans un état de danger extrême.
Mais il y a plus.
Le 2 mai 2012, la nouvelle ministre de
la justice Turtelboom (VLD) dans le gouvernement Di Ruppo (PS)
déclarait dans la Commission de la justice de la Chambre, : «
Après la France, la Belgique est le premier partenaire du Maroc
en matière de collaboration judiciaire... J’ai abordé, avec
mon homologue marocain, des matières comme le transfèrement des
détenus marocains condamnés, la collaboration en matière de
d’affaires pénales et civiles, l’échange d’informations liées
à la problématique de l’identification et aux rapts
internationaux d’enfants. »
Oui, le mot est bien choisi :
collaboration judiciaire.
La Belgique, après la France, le
premier partenaire avec le Maroc en matière de justice, nie depuis des années qu'il y a torture au Maroc et
ses fonctionnaires continuent à nous dire qu'ils ne sont pas au courant.
Ce premier partenaire, qui doit être au courant de tout et qui a signé la
convention internationale contre la torture, continue à refuser
d'intervenir pour ses citoyens même quand il y a des preuves
indéniables de torture.
Il continue à transmettre des dossiers
judiciaires à la justice marocaine, permettant les inculpations et
les condamnations lors des procès inéquitables.
Il accepte des extraditions de ces
citoyens vers ce pays, de l'Espagne pour Ali Aarrass ou de la Syrie
pour Hicham Bouhali.
Il reprend la nationalité belge à
quelqu'un comme Mohamed R'ha qui a été torturé au Maroc.
Il extrade un algérien sans papiers et
sans famille d'une prison belge vers le Maroc dans le cadre du procès
Belliraj où il sera sauvagement torturé.
Il accepte des preuves obtenues sous la
torture pour juger des personnes en Belgique, pratique condamnée
par la Cour européenne des droits de l'homme.
Nous demandons
1. l'arrêt immédiat de la
collaboration judiciaire avec le Maroc
2. la libération immédiate des
détenus qui ont été torturés et la punition des tortionnaires
3. le transfert vers une prison en
Belgique des détenus belges, qui en font la demande
4. une aide matérielle pour les
détenus et leurs familles
5. des visites consulaires dans les
prisons
6. une enquête parlementaire pour
examiner la collaboration judiciaire avec le Maroc, en écoutant le
témoignage des familles concernées.
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